Ayant dû traiter le cas d’inconduite qui
était un scandale pour le nom de Christ à Corinthe, le pont est tout trouvé
pour Paul pour aborder le premier sujet sur lequel l’Eglise l’a interrogé au
travers d’une lettre remise : le sujet du mariage. On pourrait penser à
première vue qu’il n’y ait ici pas énormément à dire. La parole de Dieu, dès
ses premières pages, ne nous donne-t-elle pas le cadre précis dans lequel doit
se construire la relation entre l’homme et la femme (Genèse
2,24) ? Dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples. Il y
avait à Corinthe tant de cas de figures différents qu’il n’était pas possible
de donner une réponse unique pour traiter de chacun. Dans une société où tous
les repères sont bousculés, la même difficulté se présente à nous aujourd’hui.
Si, dans sa réponse, Paul va rappeler certains principes bibliques, nous notons
qu’à plusieurs reprises ce n’est pas sur l’Ecriture, mais ce qu’il pense être
juste en tant que serviteur de Dieu, qu’il va appuyer sa position. Est-ce à
dire que l’Ecriture n’a pas réponse à tout ? Oui et non ! L’Ecriture
pose le cadre dans lequel, pour chaque domaine éthique, nous sommes appelés à
penser les choses. Hors de ce cadre, nous sommes hors de la volonté de Dieu. A
l’intérieur de ce cadre, il nous faut parfois, à partir du réel, chercher la
solution la meilleure qui s’applique aux diverses situations auxquelles nous
sommes confrontés. Parce que nous avons l’Esprit de Dieu, a dit Paul, la pensée
de Christ habite en nous (1 Corinthiens 2,16).
Connaissons bien la Parole ! Soyons sensibles à la voix de l’Esprit en
nous ! Entretenons-nous entre serviteurs de Dieu des situations qui nous
posent question (cf Actes 15,28) ! Si nous
procédons de la sorte, nous réduirons quasiment à rien le risque d’une erreur d’appréciation
dans le traitement de cas complexes.
V 1 à 7 :
aux couples chrétiens
S’il fallait choisir ce qui est le mieux,
Paul préconiserait à tous les chrétiens de ne pas se marier. Plus loin, il
donnera la raison de cette recommandation. Cependant, à cause du risque
d’inconduite auquel le célibat expose le croyant, il est préférable que chaque
homme ait une femme et chaque femme un mari. Le célibat est une bonne chose, à
condition qu’il réponde au don particulier de la grâce destiné à celui qui doit
le vivre. Pour les autres, tous ceux qui n’ont pas reçu ce don, c’est celui du
mariage qui est le cadeau de la même grâce de Dieu.
S’adressant aux couples mariés, Paul élimine
d’emblée la polygamie (le fait pour un homme d’avoir plusieurs épouses simultanément),
la polyandrie (le fait pour une femme d’avoir plusieurs maris en même temps),
l’androgamie (le mariage entre deux hommes) ou l’union lesbienne. Le cadre
biblique du mariage, celui qui correspond à la volonté créationnelle de Dieu,
est que chaque homme ait une femme et vice-versa. Dans le cadre du mariage,
Paul rappelle ensuite que ni la femme, ni le mari ne sont à eux-mêmes. En
s’unissant, l’un comme l’autre se sont engagés à se donner l’un à l’autre, si
bien que le contrat du mariage est enfreint s’il y a refus d’une partie
d’assumer son devoir envers l’autre. Le devoir conjugal entre époux est une
clause imprescriptible du mariage. S’il en est ainsi, ajoute Paul, c’est aussi
parce que Dieu a voulu faire du mariage le meilleur rempart contre l’infidélité.
Qui est heureux et satisfait sur le plan sexuel, dans le cadre du mariage,
court un risque beaucoup plus moindre d’inconduite que dans un cas inverse.
Loin de prôner l’abstinence, Paul encourage le mari et l’épouse chrétiens à ne
pas se priver l’un de l’autre. L’apôtre ne sait que trop bien à quel point la
pulsion sexuelle est forte, particulièrement chez les hommes, et combien il est
facile à Satan de les tenter dans ce domaine. Paul consent cependant qu’il y
ait une exception à cette règle. Elle est dans le besoin que l’un ou l’autre
dans le couple aurait de s’isoler pour prendre du temps avec Dieu dans la
prière. Même ici cependant, cette décision ne saurait être prise de manière
unilatérale. Pour qu’elle soit vécue dans la paix et le respect de ce que
chacun doit à l’autre, elle nécessite l’accord des deux parties.
Le mariage est contrat entre un homme et une
femme qui les engagent à vie. Fondé sur l’amour, il impose à chacun des droits
et des devoirs. C’est parmi les couples chrétiens que le modèle même du mariage
réussi devrait s’imposer. Dans un monde où l’infidélité, la trahison et
l’abandon sont monnaie courante, prions que Dieu utilise les foyers chrétiens
pour donner aux incroyants le désir de connaître Celui qui est le secret de
leur bonheur !
V 8 et 9 :
aux célibataires et aux veuves
Après les couples chrétiens, Paul s’adresse à
ceux qui, dans la communauté, ne sont pas mariés et aux veuves. Pour quelle
raison l’apôtre cite-t-il les veuves plutôt que les veufs ? La cause
provient-elle de la nature de la question posée par les Corinthiens, du fait
que les veuves étaient plus nombreuses que les veufs dans l’assemblée ? Le
texte ne le dit pas. Par défaut, il nous faut prendre le terme comme quelque
chose de générique, une parole destinée à tous ceux qui se retrouvent dans une
situation de veuvage.
La recommandation première de Paul aux
célibataires et aux veuves de l’assemblée est de ne pas chercher à tout prix de
se marier. Paul estime au contraire qu’il leur est préférable de rester dans
l’état dans lequel ils se trouvent. Parce que l’apôtre est lui-même dans cette
situation, il sait tous les avantages que celle-ci lui apporte en termes de
liberté personnelle et de disponibilité pour le service du Seigneur. L’avis que
donne Paul ici n’est cependant pas un absolu. Conscient des difficultés que la
solitude et la perspective d’une abstinence sexuelle totale peuvent poser, Paul
recommande à ceux qui seraient incapables de se maîtriser dans ce domaine de se
marier. La même concession se retrouve au sujet des veuves dans une autre
épître de l’apôtre. Pour qu’une veuve soit inscrite sur la liste des personnes
que l’Eglise doit secourir, Paul exige que celle-ci n’ait pas moins de soixante
ans. Car, dit-il, il y a fort à parier que, poussées par leurs désirs, les
jeunes veuves ne supportent pas longtemps de rester dans leur état. Il est donc préférable pour
elles, entre deux situations, de choisir celle qui sera la plus apte au bien.
Que les jeunes veuves, plutôt que de rester seules se marient et aient des
enfants pour qu’en bonnes maîtresses de maisons, elles ne prêtent le flanc à
aucune occasion de critique du peuple de Dieu par ses adversaires (cf 1 Timothée 5,3 à 15).
Les différentes situations éthiques
auxquelles l’Eglise est confrontée n’appellent pas de réponse unique. Paul
plaide clairement ici pour que le cas de chaque personne soit évalué en
fonction de la maturité et des capacités de chacun. Le désir de Dieu pour
chacun ne sera jamais, en effet, de lui imposer quelque chose à vivre qui soit
hors de portée de celles-ci. La spiritualité véritable n’est pas détachée du
réalisme. Elle prend en compte, dans l’évaluation de ce qui est le mieux pour
chacun, tous les paramètres liés à la situation humaine des personnes :
l’âge, la situation sociale, les forces et les faiblesses de la personne, le
contexte, l’environnement, la maturité spirituelle… Il nous faut être vigilant
pour ne pas imposer aux autres dans l’Eglise un joug d’exigences morales qu’ils
ne pourront pas porter (Luc 11,46). C’est avec
les yeux de la grâce que nous devons regarder et juger de la situation de
chacun, avec comme souci premier ce qui est le plus propice à son bien.
V 10 à 16 :
la question du divorce
Traitant du sujet du mariage, il était
impossible pour Paul de ne pas aborder la question du divorce que les
Corinthiens ne manquèrent pas de lui poser. Deux cas de figure sont ici
envisagés correspondant sans nul doute à deux situations auxquelles a à faire
face l’Eglise de Corinthe dans ses rangs. Le premier évoque le cas d’une
rupture qui se produit dans un couple chrétien, le second celui d’une
séparation qui se produit dans un couple où seul un des conjoints est un enfant
de Dieu.
1er cas : rupture dans un
couple chrétien
Ici, Paul n’a nul besoin pour légiférer sur
le sujet d’émettre une opinion qui lui semble la plus appropriée. Car
l’Ecriture, tout comme le Seigneur Jésus, ont été formels. Dans le peuple de
Dieu, mari et femme sont liés par une alliance indissoluble à laquelle seule la
mort peut mettre fin. L’homme n’a pas, pour quelque motif que soit, à séparer
ce que Dieu a uni. Seule une rupture du contrat par l’une des parties pour
cause d’adultère peut justifier sur le plan légal une séparation (Matthieu 19,3 à 9). Un couple chrétien peut se séparer
mais, que ce soit le mari ou la femme, il commet une infidélité si l’un ou
l’autre s’unit, du vivant de son conjoint, à une autre personne. La voie que
préconise la Parole de Dieu pour les couples chrétiens n’est pas celle du
divorce suivi du remariage, mais celle de la réconciliation. En Christ, il est
possible pour chacun de se repentir de ses torts, de pardonner et de travailler
à sa propre réformation en vue de l’unité du couple. Comment, en effet,
pourrions-nous parler de paix, de pardon et de réconciliation au monde si à
l’intérieur même de l’Eglise du Christ ces vertus ne sont pas vécues ?
2ème cas : rupture dans un
couple où un seul est enfant de Dieu
Quelle règle prévaut dans le cas d’un couple
où un seul des conjoints est enfant de Dieu ? Le mari ou l’épouse
chrétiens sont-ils contraints à rester ensemble coûte que coûte ? Paul
l’affirme dans le conseil qu’il donne : il ne peut s’appuyer sur aucune
parole ou directive claire et précise du Seigneur sur le sujet pour y répondre.
Il présente l’avis qu’il donne ici comme étant le sien, celui d’un homme qui,
en toutes circonstances, est soucieux de ne pas aller contre la volonté de Dieu
et de rechercher le bien de chacune des personnes concernées par la situation.
Selon Paul, s’il doit y avoir séparation dans un couple qui, sur le plan
spirituel, forme un attelage disparate, l’initiative de celle-ci ne doit pas
venir de celui ou celle qui, des deux, est enfant de Dieu. Ce n’est pas au
conjoint chrétien de décider de se séparer, mais à celui qui ne l’est pas. Si
un tel cas de figure se produit, le mari ou l’épouse délaissés ne doivent pas
se sentir obligatoirement liés à l‘autre. La volonté de Dieu pour Ses enfants
n’est pas qu’ils vivent dans un climat de guerre et de tension permanent, mais
dans la paix. Si cependant, malgré la foi de l’autre, le conjoint non-croyant
souhaite rester en couple, il ne faut pas que le croyant s’y oppose. Une telle
situation n’a pas, sur le plan spirituel, que des désavantages. En effet, la
famille n’est pas aux yeux de Dieu juste une addition d’individualités
distinctes qui cohabitent. C’est une entité organique qui est une, comme le
souligne nettement certaines situations de l’Ancien Testament (cf Josué 7,24-25) Aussi, la règle qui fait que le péché
des pères retombe sur ses fils et ses filles, s’applique-t-elle dans le cas
inverse. Le conjoint non-croyant reste non-croyant. Il doit, pour devenir
enfant de Dieu, se repentir et croire pour son propre salut au Seigneur Jésus.
Mais, malgré cela, lui et les enfants issus du couple ne sont pas dans la même
situation qu’une famille dans laquelle ne figure aucun croyant. La bénédiction
qui repose sur le croyant ne l’atteint pas lui seul. Elle s’étend à tous ceux
qui, liés à lui, vivent de façon organique avec lui. Il est possible que nous
ne comprenions pas bien, dans les faits, de quelle manière cette réalité se
traduit. Mais elle existe et ne doit pas être négligée dans l’approche de la
question.
Comme déjà dit, ce que Paul exprime ici
relève de son avis personnel d’homme de Dieu. Pour autant, nous ne devons
d’aucune manière le relativiser. Parce que l’avis de Paul a été retenu par la
Parole de Dieu, il a désormais valeur de jurisprudence. Il devient donc, au
même titre que les propos de Jésus sur le sujet, parole normative de Dieu.
V 17 à 24 :
un principe de base
Au-delà des cas évoqués ici, Paul énonce un
principe général qu’il enseigne dans toutes les Eglises comme ligne de conduite
à suivre par tous les chrétiens. Ce principe est que chacun demeure dans l’état
dans lequel il se trouvait lorsqu’il a reçu l’appel de Dieu. Illustrant son
propos par plusieurs cas de figure, Paul réitère par trois fois son affirmation
(v 17, 20 et 24). Quelqu’un était-il circoncis
lorsqu’il est devenu chrétien ? Qu’il ne cache pas sa circoncision !
En Christ, il est possible d’être juif et chrétien. Quelqu’un était-il
incirconcis ? Il n’a nul besoin de changer. La grâce de Christ ouvre la
porte du salut à tout homme, de quelque nationalité et arrière-plan qu’il soit.
Aux yeux de Dieu, le signe d’appartenance extérieure ancien au peuple de Dieu
n’est plus ce qui prévaut. Ce qui compte est l’œuvre qui s’est faite dans le
cœur, une œuvre qui a fait d’un rebelle à Dieu un homme qui chérit ses
commandements et les observe.
Ce qui est vrai au sujet de la circoncision
l’est aussi pour ce qui touche à l’esclavage. Qui se trouve dans cette
condition ne doit pas, parce qu’il est devenu chrétien, chercher d’abord à s’en
affranchir. C’est dans le cadre dans lequel Dieu nous a trouvé qu’Il désire en
premier que nous soyons Ses témoins. Si, par la suite, la possibilité se
présente pour l’enfant de Dieu de devenir libre, qu’il la saisisse et en
profite. Mais que ce soit Dieu, et non lui-même, qui soit à l’origine de ce
changement de condition. Quelle que soit la condition sociale dans laquelle
vive le chrétien, qu’il se souvienne que celle-ci ne reflète pas la réalité
spirituelle qui est la sienne. L’esclave chrétien, à cause de la vie qu’il
possède en Christ, jouit d’une liberté que beaucoup qui ne le sont pas
ignorent. Autrefois aliéné au péché, il est devenu libre à l’égard de son
pouvoir. L’homme libre, quant à lui, ne l’est plus sur le plan spirituel.
Attaché et soumis au Christ, il en est devenu le serviteur obligé. C’est Lui
désormais qui est le Seigneur de tous ceux qui Lui appartiennent. Que chacun veille
ainsi dans sa vie à ce que son allégeance soit à Lui, et non à un homme.
V 25 à 40 :
consignes de Paul pour les vierges et les veuves
Toujours dans le cadre du mariage, Paul
répond à une autre question posée par les Corinthiens au sujet des vierges. Au
vu des circonstances difficiles par lesquelles passent les chrétiens, est-il
judicieux pour ceux et celles qui ne sont pas mariés de le faire ? Ou
est-il préférable pour eux de rester comme ils sont ? Avant de répondre,
l’apôtre tient à redire ce qu’il a déjà dit un peu plus tôt. Il y a, dans le
domaine de l’éthique, des choix qui ne relèvent ni du bien, ni du mal. Lorsque
tel est le cas, il n’est pas possible de s’appuyer sur une parole explicite du
Seigneur. Le rôle premier de la Parole de Dieu est de fournir au peuple de Dieu
un cadre précis pour ce qui concerne le bien. Dans ce cadre, dans lequel le
croyant est face à des commandements écrits de Dieu, le langage utilisé est
celui de l’ordre. Le croyant n’a pas à choisir : il est appelé à obéir.
Hors de ce cadre, il n’a plus à faire au bien, mais au mal, au péché, à la
désobéissance à Dieu. Dans le cadre du bien, les choses sont différentes. Nous
n’avons plus ici à faire à un choix entre obéissance et désobéissance, mais à une alternative entre le bien et le mieux,
entre ce qui est recevable et ce qui est préférable. Il ne s’agit pas ici
d’imposer, mais de proposer ce que la sagesse perçoit de meilleur pour chacun
compte tenu de sa situation et des circonstances. C’est ce que, en homme avisé,
fiable et habité par l’Esprit de Dieu, Paul va faire ici.
Les croyants qui sont vierges à Corinthe
devraient-ils plutôt se marier ou rester dans leur condition ? Selon
l’avis de Paul, pour plusieurs raisons qu’il va développer, il leur serait
préférable de renoncer au mariage. La première raison tient au temps
particulier dans lequel vivent les chrétiens à l’époque de Paul. Oui, au vu de
la pression qui s’exerce sur la communauté chrétienne à l’heure où la question
est posée à Paul, il n’est pas du meilleur choix dans l’immédiat pour un
chrétien que de chercher à fonder un foyer. Il est important de le
préciser : le premier argument de Paul tient au contexte. Il ne s’applique
donc pas à toutes les époques, mais reste valable pour ceux qui, quelque part,
se trouvent dans la même situation que celle des Corinthiens. Paul n’est pas,
comme certains ont pu le croire, contre l’idée du mariage. Son institution vient
de Dieu : elle est donc une chose bonne. Ce que l’apôtre veut éviter ici,
ce sont, dit-il, les tourments supplémentaires que connaîtra inévitablement le
croyant marié dans la période difficile de persécution que l’Eglise traversait
en ce temps.
Le second argument de Paul s’appuie sur la
brièveté du temps qu’il reste aux enfants de Dieu jusqu’à l’heure du retour de
Christ. Cette attitude d’attente d’un retour imminent du Christ chez les
premiers chrétiens apparaît de façon récurrente dans bien des lettres de
l’apôtre (Romains 13,11 ; 1 Thessaloniciens 1,10).
Considérant que, près de 2 000 ans plus tard, l’événement ne se soit pas
encore produit, que penser de la recommandation que Paul fait ici ?
Etait-elle judicieuse ? Ce qu’il nous faut retenir, c’est l’état d’esprit
dans lequel Paul invite à vivre les chrétiens de Corinthe. Oui, être marié est
une bonne chose. Mais que chacun qui l’est ne se lie pas à son conjoint au
point de ne plus pouvoir s’en passer. Chacun de nous, tôt ou tard, sera amené à
quitter tout ce qui fait cette vie, ses joies comme ses souffrances. Aussi,
parce que tout ce qui fait ce monde est éphémère et appelé à disparaître, il
nous faut apprendre à vivre avec distance envers tout ce qui le compose. La
réalité finale dans laquelle nous vivrons pour toujours ne s’encombrera
d’aucune des choses qui, ici-bas, comptent parfois tellement pour nous :
mariage, biens matériels… Même si nous ne savons ni le jour, ni l’heure exacte
du retour de Christ, vivons selon l’état d’esprit des chrétiens de la première
heure. C’est aujourd’hui encore la meilleure façon d’être prêt pour le moment
où l’événement se produira.
Le prochain argument de Paul touche aux
questions de cœur. Le cœur est le domaine des affections. Aussi, dit le livre
des proverbes, doit-il être gardé plus que toute autre chose, car des attaches
de notre cœur dépend la qualité de la vie que nous aurons (Proverbes 4,23). Or, qui est marié est, en ce qui
touche aux affections de son cœur, inévitablement partagé. Lié à son épouse par
l’amour, le mari chrétien va se préoccuper de lui plaire, et vice-versa. Il n’y
a ici rien de condamnable, mais chose tout à fait légitime en soi. Il faut
cependant le savoir : le corollaire consécutif à cet attachement des
conjoints entre eux en sera une disponibilité de cœur amoindrie pour le
Seigneur. Le privilège du célibataire comme de la femme veuve est celui de la
liberté. N’appartenant à personne d’autre qu’au Seigneur, les deux sont libres
de se consacrer à Lui dans leurs corps sans réserve, pour Son service ou celui
des frères. Paul a donc raison : au seul regard de ce critère, il y a pour
l’enfant de Dieu, un avantage certain à ne pas se marier.
Bien que visant l’idéal, la recommandation de
Paul a cependant ses limites. Si lui a fait le choix du célibat, l’apôtre ne
veut pas laisser entendre que tous doivent, pour être parfaits, le suivre sur
ce chemin. Les circonstances seules, même si elles sont difficiles, ne doivent
pas déterminer l’engagement des uns envers les autres. Si un homme déjà fiancé
estime qu’il causerait un tort certain à sa dulcinée en renonçant au mariage,
il ne fait pas mal mais bien en l’épousant. Le temps de la jeune fille doit,
dans la décision à prendre, peser au moins autant que celui de l’époque dans
laquelle les deux amoureux vivent. Qui sait, en effet, si, pour elle, une telle
occasion se présentera encore ? Les temps peuvent changer et devenir plus
favorable. La jeune fille aura vieilli et son heure aura passé, laissant au
fond d’elle le regret amer de n’avoir été ni épouse, ni mère. Qui sait aussi si
la passion qui a été éveillée pour elle, puis réfrénée, ne causera pas plus de
tort au jeune homme que si elle avait été consommée ? Que chacun donc
suive ici l’élan de son cœur et agisse pour le mieux !
Paul rappelle pour terminer que le mariage
est un contrat qui lie les parties qui y sont engagées, le mari et la femme,
aussi longtemps que ceux-ci sont vivants. Seule la mort de l’un des conjoints
libère l’autre de l’engagement de fidélité qu’il a pris à son égard au jour de
leur union. Resté seul, le conjoint qui subsiste est libre de se remarier, à
condition qu’il le fasse dans le Seigneur, c’est-à-dire en accord avec Sa volonté.
A ce sujet, Paul estime qu’il vaudrait mieux pour celui qui reste de demeurer
seul. Sans doute a-t-il de nouveau ici à l’esprit les temps difficiles par
lesquels l’Eglise passait. On voit mal, en effet, comment cette recommandation
pourrait s’appliquer à tous les cas de figure de veuvage dans toutes les
périodes de l’histoire : père ou mère seuls avec des enfants en bas-âge,
absence de revenus ou de travail pour la jeune veuve, etc… Quelle que soit la
situation dans laquelle chacun se trouve, c’est de l’Esprit de Dieu que vient
la sagesse qui nous permet de donner les conseils appropriés à chacun dans sa
situation. Il nous faut veiller à ne placer personne sous un joug que ni elle,
ni nous ne pourrions porter. Apprenons avant de parler à nous mettre à la place
de l’autre. Prenons en compte tous les paramètres possibles, y compris ceux
évoqués par Paul de la dureté des temps troublés que nous pouvons traverser. Et
laissons à Dieu le soin de conduire chacun dans la direction qu’Il souhaite
pour sa vie, pour son bien et la gloire de Son nom.
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